
Comme nous le rappelle la forme ronde des premiers greniers et des premières enceintes, la ville, à l'origine, était femme, source de nourriture, pour l'estomac et pour les sens. On n'y souffrait ni de la faim ni de la malnutrition des sens. L'intelligence pouvait aussi s'y épanouir, par la conversation. Et ce lieu convival était sûr, les plus faibles s'y sentaient mieux protégés que dans les vastes territoires de chasse. Quand la ville devient plus dangereuse que la campagne sauvage, et quand en outre on y souffre de la malnutrition des sens et de l'isolement, est-elle encore la ville?
«La vie s'épanouit dans cette dilatation des sens: sans elle, le battement du coeur est plus lent, le tonus musculaire plus faible, la prestance disparaît, les nuances de l'oeil et du toucher s'estompent, il se peut même que la volonté de vivre soit atteinte. Affamer l'oeil, l'oreille, la peau c'est courtiser la mort tout autant que de se priver de nourriture.[...]La maîtrise du langage ne compense pas la malnutrition des sens.»
Lewis Mumford, The culture of cities