Il y a quelques années, des membres de L’Arche Brecon sont allés en voyage à Dublin. Un jour, dans la rue, une mendiante les approche. « Donnez-moi de l’argent », demande-t-elle. Comme d’habitude dans ces situations, ils ne savaient pas trop comment réagir. Ils ont reculé un peu, se demandant quoi faire. Tout le monde sauf Steve. Steve avait déjà la main dans sa poche pour sortir son portefeuille : « De l’argent.. bien sûr… combien voulez-vous? »
Prenons l’exemple de Steve et de la mendiante. J’aime cette histoire : c’est une célébration de la générosité et du grand cœur de Steve. On voit immédiatement que sa réaction à des situations comme celle-là sort de l’ordinaire : il ne se sent pas menacé comme je le serais peut-être, tandis que je ferais quelques pas en arrière. Il veut simplement établir un contact avec une nouvelle personne, et pour lui, qu’il s’agisse de la Reine d’Angleterre ou d’une mendiante, cela n’a pas vraiment d’importance. Je suppose que c’est aussi son désir de contact qui le pousse à saluer la plupart des voitures qui passent à Brecon lorsqu’il marche vers la ville. On pourrait penser qu’il connaît tous ces gens. Mais ce n’est pas le cas. Il souhaite simplement qu’on le salue amicalement en retour. Et si on ne le salue pas, il demande d'une voix perplexe : « Pourquoi ne m’ont-ils pas salué? »
C’est une bonne question. Je suis sûr que Steve touche quelque chose. Sa question atteint au cœur le malaise de notre société, et ce pourquoi lui, justement, doit être au centre. Pourquoi ne saluent-il pas? Je suppose que certaines personnes ne saluent pas, chose peu étonnante, car un total inconnu les saluant comme un vieil ami leur semble suspect. Mais heureusement, d’autres le font, même sans connaître Steve. Quelque chose les a touchés au cœur; peut-être se disent-ils : « C’est un étranger, et alors? Il est sympathique ». Ils font preuve de générosité, sortent de leur zone de confort, prennent un risque. Et tout cela parce que Steve leur en a donné la chance. Et de façon presque imperceptible, le monde devient plus accueillant grâce à lui.
D’accord, j’admets que c’est peu, mais sans aucun doute Steve apporte sa propre contribution à l’atmosphère de Brecon. Pas avec des discours ou des articles, mais de la seule manière qu’il connaisse, c’est-à-dire en étant simplement lui-même. Sonnez à la porte de Glasfryn, notre foyer communautaire, et tandis que vous expliquerez qui vous êtes, il est probable que Steve vous dira : « Entrez, entrez, qui que vous soyez ». Il est comme ça.
Bien sûr, vous vous y attendiez, Steve n’est certainement pas unidimensionnel : comme chacun de nous, sa personnalité a plusieurs facettes. Il est plus que ce côté accueillant qui semble défier notre imagination. Mais je mets l’accent sur cet aspect parce que son approche de la vie n’est sans doute pas unique, mais elle est définitivement rare dans notre société, et pour cette raison mérite davantage de visibilité.