
Une longue excursion en canoë, par des sentiers incertains et des rivières difficiles, à la découverte de plantes, d'animaux et de paysages qu'on a longtemps rêvé de voir, dans l'attente des conversations amicales qu'on aura le soir près du feu de camp, avant de contempler le ciel étoilé. Ce sport, le Canoë-camping, est, avec les promenades en montagne et l'alpinisme, de ceux qui satisfont le mieux le besoin d'appartenance. Le réel y est présent sous toutes ses formes, la terre, le ciel, les hommes, les trois règnes: minéral, végétal, animal... et le temps qui est l'âme de l'espace. Le dépassement y a un sens: la beauté recherchée. La comparaison y prend la forme douce de l'émulation et non la forme agressive de la compétition. On y est enfin plus inspiré par le milieu vivant que motivé par la volonté d'abattre un record.
«Dans son autobiographie, The four Minutes Mile (1955), Roger Bannister rappelle un épisode de sa jeunesse au cours duquel il se tenait debout, ''pieds nus sur le sable sec et dur du bord de la mer.'' Il était saisi par la qualité de l'air et la beauté des nuages, par une espèce de perfection mystique: ''Dans ce moment suprême, je vivais une joie intense. J'étais épouvanté et effrayé par l'excitation immense que ces quelques pas avaient pu causer. [...]La terre semblait presque bouger avec moi. Je courais désormais et un rythme frais envahissait mon corps. N'étant plus conscient de mes mouvements, je découvrais une nouvelle union avec la nature. J'avais trouvé une nouvelle source de pouvoir et de beauté, une source dont je n'aurais jamais pu rêver l'existence.''»Cité par Allen Guttmann, dans Du rituel au record, la nature des sports modernes, Paris, L'Harmattan, 2006.
Bannister aura connu à la fois les ''débordements spontanés d'exubérance physique''et et la satisfaction plus moderne d'abattre un record.