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Janvier 2009
2009-01-30 17:47:41

Le psychanalyste français Serge Tisseron est d'avis qu'à défaut de savoir où il va, l'humain souhaite savoir où il est. Tout est vrai en psychanalyse, cela aussi sans doute. Maigre consolation! Dans ce nouveau jeu du repérage ce n'est pas moi qui me situe. On me situe. Mes sens, mon intelligence, ma mémoire n'ont aucune part dans cette opération.

Après la délocalisation, la localisation, qui n'est pas le rapatriement des emplois dans le pays d'origine, mais l'affaire des GPS et autres appareils permettant de situer une personne ou un objet en un point précis de l'espace et du temps. Le papa anxieux peut ainsi suivre des yeux l'avion qui transporte sa fille chérie vers un autre continent. Le psychanalyste français Serge Tisseron est d'avis qu'à défaut de savoir où il va, l'humain souhaite savoir où il est. Tout est vrai en psychanalyse, cela aussi sans doute.

Maigre consolation! Dans ce nouveau jeu du repérage ce n'est pas moi qui me situe. On me situe. Mes sens, mon intelligence, ma mémoire n'ont aucune part dans cette opération. Ils ont encore moins de part dans l'opération qui consiste à situer un avion dans un ciel nocturne et lointain. On me situe, mais où? Dans un lieu qui est un non-lieu et, pour ce faire, on me réduit à mes coordonnées. Je suis un point qui va ou plutôt qu'on déplace. Je suis situé par d'autres dans des lieux où je ne suis pas et qui ne sont pas des lieux.

Nous franchissons ainsi une autre étape dans la lente et irréversible rupture du lien vivant avec la terre et avec les êtres de chair. Il faut vraiment ne plus savoir où l'on va pour s'en réjouir, ni qui l'on est. Et l'on échapperait ainsi à l'angoisse du réchauffement climatique?

Nouvelle occasion de faire le choix fondamental: s'enraciner dans un lieu ou échapper à l'attraction de tout lieu. Pour tous les pauvres enfants qui doivent s'envoler comme des fusées sans pouvoir poser le pied sur la terre, un seul souhait: qu'ils puissent partir à pied sur un sentier incertain, se laisser distraire par la mélodie d'une cascade, la symphonie des rainettes, le bond d'un chevreuil, l'odeur d'un peuplier baumier, un courant d'air froid ou chaud...«.II faut marcher : c'est le plus vieil exercice des hommes: c'est la plus antique habitude, elle n'est pas perdue, mais seulement affaiblie, et bien vite on la réacquiert. C'est la marche qui a fait l'homme et le corps de l'homme est fait pour la marche, il se réconforte en marchant, il s'apaise, il se réjouit. Et l'esprit de l'homme, comme son corps, est fait pour la marche, pour la durée d'un jour et la longueur d'une étape. Rien ne lui est si favorable que l'aube du départ et le crépuscule de l'arrivée » (Daniel Halévy, Voyages aux pays du centre).

On appartient aux lieux que l'on sent, touche, voit, entend. L'espace cartésien est le paradis des machines, mais l'enfer des êtres vivants, du moins tant qu'ils n'ont pas été réduits à n'être que des machines.

2009-01-15 11:03:42

Vous n'aviez pas accordé d'attention à telle ligne des longs documents relatifs à votre carte de crédit. Votre taux d'intérêt passe ainsi à votre insu de 6 à 18%. Vous voulez protester mais après quinze minutes d'attente au téléphone, vous vous découragez, avec le sentiment que, de la part d'une grande compagnie, c'est là un comportement mesquin qui ne peut inspirer que mépris, dégoût et rage impuissante. Ce n'est sûrement pas cela qui accroîtra votre sentiment d'appartenance à la société.

Le capital de confiance est la chose la plus précieuse dans une société. Il est une condition de l'appartenance. Il est triste de constater qu’il est systématiquement mis à mal par les grandes entreprises, dans le domaine du commerce et du crédit en particulier. Pensons à tous ces procédés presque toujours immoraux, à la limite de la légalité, et souvent carrément illégaux qu’utilisent un grand nombre d’entreprises pour prendre au piège les consommateurs un tant soit peu négligents. Si vous ne suivez pas vos affaires de très près, vous êtes pratiquement sûrs de tomber dans l’un de ces pièges. Chaque fois que nous sommes victimes de ces pratiques, qui menacent surtout les plus fragiles parmi nous, une voix intérieure nous avertit de ne plus faire confiance à nos semblables. C’est l’un des principaux facteurs de désintégration de nos sociétés. Le mot commerce a deux sens : rapports humains et échange de biens. Les rapports humains authentiques étant une participation commune au bien, on devrait normalement pouvoir unir les deux sens du mot commerce dans un seul : participation commune au bien par l’échange de biens. Il ne suffit pas que le commerce soit équitable, il faut aussi qu’il soit bienveillant. Quant au capitalisme qui s’accommode des pratiques mesquines, il n’est pas seulement sauvage, il atteint le dernier degré de la vulgarité.

Jacques Dufresne est éditeur de L'Encyclopédie de L'Agora. Fondateur de la revue Critère, chroniqueur à La Presse et au Devoir pendant de nombreuses années, il a organisé des colloques et des débats qui ont laissé leur empreinte sur la société québécoise. [Suite...]

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Commentaires

2010-04-19 10:46:58
Katia Bellisle
2010-04-19 05:28:31
Danielle Fisch
2010-04-12 07:54:47
annie grandmont
2010-04-06 13:16:27
Benoît Lemaire
2010-04-05 17:32:16
Eric Volant
2010-04-05 15:59:04
J-P Proulx
2010-04-04 17:41:23
Christian Duclos
2010-03-24 07:24:53