Décembre 2009
2009-12-10 06:12:07

Il y aura beaucoup de palabres à Copenhague pour forcer les volontés politiques déjà existantes à prendre des engagements significatifs pour réduire les effets de serre. Et bien sûr nous attendrons fiévreusement les résultats de ces négociations; nous savons qu’un plan d’action mondial est essentiel et nous savons qu’une législation portant sur les changements climatiques pour réaliser ces engagements s’impose absolument.

Mais nous en attendons plus encore. Comme le suggère Al, l’adaptation aux divers systèmes sociaux du principe de résilience propre aux écosystèmes est un socle puissant pour une nouvelle compréhension des choses. Au cœur même de cette compréhension se trouve l’importance de la diversité pour la résilience aussi bien physique que sociale.

Je suis de l’avis de l’anthropologue canadien, Wade Davis, qui soutient de façon convaincante que ce n’est pas seulement la biosphère qui est en danger, mais également ce qu’il appelle notre « ethnosphère » – cette toile culturelle de la vie – qui est également érodée par la façon dont collectivement nous gardons comme objectif la croissance économique. Il a concentré ses recherches sur la disparition des langues qui réduit le vaste éventail de l’imaginaire humain à une façon de penser de plus en plus étroite qui conduit inévitablement, toujours selon lui, à un seul modèle de pensée et de pratique, le modèle occidental. ("On endangered cultures TED Talks).

L’imaginaire humain, nous dit Davis, s’est enrichi au cours des millénaires d’une accumulation de connaissances et de sagesses concernant les êtres humains eux-mêmes et l’ensemble de notre planète. Ce trésor collectif de notre imaginaire, nous sommes en train de le dilapider par les façons innombrables dont nous réduisons et appauvrissons la diversité physique, économique et sociale. La grande question c’est de savoir comment protéger et étendre cette diversité mais je suis frappé par la relation que je vois entre l’imagination, l’innovation sociale et la diversité.

Je suis membre de L’Arche depuis de nombreuses années. Regarder L’Arche à travers les facettes de la diversité est bénéfique et me relie à un univers plus vaste dont je suis une partie, dont nous sommes tous des parties. Nos petites communautés peuvent être vues comme une expérience que nous a léguée le XXe siècle finissant : la création des conditions propices à la floraison de la diversité sociale.

Davis fait remarquer que les langues sont menacées d’extinction lorsque les gens sont eux-mêmes menacés de disparaître. L’Arche a été créée pour combler cette disparition, parce que trop nombreux sont ceux dans notre monde qui n’attachent aucune valeur à la contribution qu’apportent à notre diversité les personnes atteintes d’un handicap intellectuel. L’Arche protège, soutient, honore et célèbre la vie et les contributions de ces personnes.

Mais L’Arche invite aussi les personnes de diverses origines culturelles, religieuses et socio économiques à vivre ensemble quotidiennement et à apprendre les unes des autres. Certaines sont jeunes, d’autres plus âgées, quelques-unes ont fait de longues études alors que d’autres n’ont aucune éducation formelle. C’est une expérience compliquée et comme chante Cockburn : we are “lovers in a dangerous time”

Voici, parmi plusieurs autres, deux prises de conscience ou deux enseignements essentiels qui ont peu à peu émergé au cours des années passées : 1) La diversité n’existe pas dans l’abstrait. Ce n’est pas en lisant des livres qu’on entre en relation avec des personnes dans le monde des différences culturelles. Les engagements concrets sont nécessaires. Ils doivent s’ancrer dans l’humilité et le pardon. Il faut accepter de courir des risques personnels. 2) Dans le cas de L’Arche, c’est précisément ceux qui sont les plus faibles ou les plus vulnérables (comprenez qui sont donc en risque de disparaître) qui sont le ciment qui maintient les diverses parties ensemble. Et ils sont indispensables pour soutenir une communauté de diversité. Voilà un mystère digne d’être contemplé.

Soutenir cette diversité, empêcher qu’elle s’éteigne, c’est un défi considérable mais qui m’aide à comprendre et à embrasser la contribution unique que je peux apporter, que ma communauté peut apporter à l’amélioration de notre avenir collectif.

Traduction : Hélène Laberge, de L’Encyclopédie de L’Agora
 

2009-12-09 14:12:51

Comme les nombreux auteurs cités par Jacques, je me demande comment nous allons pouvoir réduire nos émissions collectives de carbone sans comprendre en parallèle le ciment social de l'appartenance

La métaphore du tabouret à trois pattes (l'économie, le social, l'environnemental) semble indiquer que le social est vraiment pris en compte. Il faut toutefois reconnaître que cette prise de conscience n'est pas allée très loin sur le chemin qui va de l'intelligence à l'action concrète.

Il nous faut voir là un échec collectif pour lequel nous sommes tous à blâmer. Il serait trop facile de reprocher aux gouvernements de ne pas avoir intégré les leviers dont ils disposent – politique, taxe, subvention, pouvoir d'achat – à une stratégie cohérente pour relever simultanément le défi de la cohésion sociale et celui de la dégradation de l'environnement.

Ou de reprocher aux entreprises d'encourager une consommation excessive, ou encore de reprocher aux environnementalistes d'avoir l'esprit borné. Mais qu'en est-il de nous tous, du secteur social et communautaire, qui nous concentrons sur une solution unique pour un problème exclusivement social? N'avons-nous pas la compétence requise pour faire face à ces défis, et n'avons-nous pas la responsabilité de le faire.

Il appartient de toute évidence à chacun d'entre nous de déterminer si nos actions aggravent le problème ou contribuent à le résoudre et d'agir en conséquence. C'est là un appel à la créativité de chacun; nous ne pouvons pas nous en remettre seulement au leadership habituel et aux personnes en situation d'autorité.

Au cours des trois dernières années, j'ai travaillé avec des collègues de l'ensemble du Canada dans le but d'accroître l'innovation et la créativité. Notre initiative est connue sous le nom de Social Innovation Generation (SiG-www.sigeneration). Il ne s'agit pas pour nous d'innover pour innover. Nous croyons plutôt que la seule façon d'aborder nos problèmes sociaux et environnementaux endémiques est d'accéder à une culture de continuelle innovation où nous renonçons aux approches qui ne fonctionnent plus, où nous comprenons que nous faisons face à des problèmes complexes qui vont exiger de nous une pensée et des analyses en profondeur, dans un contexte où le mystère, le paradoxe, l'ambiguité sont des alliés avec lesquels il faut composer et non des obstacles qu'il faut éliminer; où nous reconnaissons également que les défis exigeront la collaboration de tous les secteurs et l'engagement de chacun.

Nous avons développé un cadre de travail intellectuel qui est compatible avec les positions des grands penseurs que Jacques a évoqués. Nous nous sommes inspirés de Resilience Alliance, un groupe réuni par CS ''Buzz'' Holling, un écologiste reconnu qui est à l'origine de la théorie de la panarchie. (www.resaliance.org). Cette théorie est née de l'étude sur la façon dont les éco-systèmes s'adaptent et réagissent aux menaces et aux défis de l'extérieur et ce faisant, deviennent plus ou moins résilients

Frances Westley, co-auteure of Getting to Maybe, membre la Resilience Alliance et l'une de mes collègues dans Social Innovation Generation, a adapté les enseignements de la résilience dans les écosystèmes aux systèmes sociaux (www.sig.uwaterloo.ca). Voici sa définition de l'innovation sociale.

«L'innovation sociale est une initiative, un produit, un processus ou un programme qui modifie en profondeur les routines de base, les flux des ressources et de l'autorité, de même que les croyances d'un quelconque système social. Les innovations sociales profondes ont un impact étendu et durable. Si l'innovation sociale a des stades et des phases identifiables, la durée et l'étendue de l'impact ne peuvent être acquises qu'au terme d'un processus dynamique supposant l'émergence d'une occasion à saisir, une intervention délibérée et un lien entre les deux. L'aptitude d'une société à créer un flux continu d'innovations sociales, notamment du type de celles qui re-mobilisent des populations vulnérables, est une contribution importante à la résilience sociale et écologique dans leur ensemble.»

Ce qu'il importe de souligner dans cette perspective, c'est le rôle critique que les personnes vulnérables jouent dans le renforcement de la résilience de l'ensemble de la société, c'est aussi notre capacité de faire face aux menaces extérieures quels que soient le lieu d'où elles viennent et le moment où elles frappent. Cela va dans le sens de ce que Jacques Dufresne et Jean Vanier proposent. Quand l'innovation consiste à créer pour les personnes vulnérables des occasions d'appartenance, d'engagement et de coopération, la société s'enrichit aussi de leur points de vue, de leur diversité, de leur participation et de leur être. Et puisque la définition nous invite à penser que les systèmes sociaux et écologiques sont inextricablement liés, on peut soutenir que la résilience de la terre dépend de ce que l'on s'assure que soient entendues et prises en considération les voix des personnes marginalisées, étiquetées, désavantagées ou simplement ignorées. Peut-être devrions-nous nous concentrer sur cet impact positif dans les discussions qui se poursuivront après le Sommet de Copenhague.

Suite >>> Troisième partie L'innovation sociale et le défi de la diversité par Nathan Ball, L'Arche Canada
 

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